We're not broken, we're just bent and we can learn to love again
Kenma Yamamoto & Hime Watanabe
La fumée dévale ta gorge putride sous l’immonde cylindre de nicotine posé entre tes lèvres sèches. Tu empestes le vieil amour, le sexe consumé, sur ta langue trainant les relents de la pureté volée. Crachant cette fumée coincée que tu viens d’inhaler dans l’air frais de ce matin de printemps, créant une brume fine, abstraite qui se meurt sous les premiers rayons de soleil épousant ta peau de porcelaine. Faible sensation de chaleur. Le bruit des draps se mouvant dans ton dos, tu écrases ton mégot contre le rebord de ta fenêtre, traçant une ligne noire sur ce blanc trop pure à tes yeux. Te tournant vers ton lit, spectateur de ta nuit mouvementée qui a marqué sous tes iris une couche d’aquarelle violacée. Tu souris Kenma, tu souris à la vue de ce corps faiblement couvert s’emmêlant entre tes draps beiges, prit au piège de sa paresse, de l’épuisement que tu lui as injecté de tes lèvres antalgiques. Ce corps d’adolescent dont tu as arraché l’inconscience de tes doigts sous sa demande nocturne de la veille. Ignorant ce faible gémissement qui sort de ses lèvres endormies, signe d’un réveil à venir, tu fais couler l’eau de ta douche, salle de bain siamoise à ta chambre. L’eau brûlantes sculptant ce corps travaillé durant de nombreuses années, ton corps intact de la moindre cicatrice où seulement quelques lignes vêtues de rouge ont élus domicile au creux de tes reins. Marques provisoires qui t’arrache une grimace au contact de l’eau venant s’écraser sur le marbre noir sous tes pieds. Cheveux plaqués sur ton visage pensif, tu as perdu la notion du temps, tu ne t’es pas réveillé, ou plutôt tu as décalé ton réveil trois fois sans vraiment faire attention au soleil qui continuait sa progression dans ce ciel nouveau. « K-kenma... ? » Dans un soupire à peine inaudible tu attrapes une serviette que tu revêts autour de ta taille, déposant ton uniforme sur ton bureau où trainent encore les vêtements de l'homme aux paupières lourdes gisant dans ton lit. « Tu devrais partir, tu as cours ce matin et moi aussi puis ma sœur n’a pas encore essayé de forcer la porte mais ça ne serait tarder. » Tes doigts attrapant l’uniforme du lycée voisin au tien, ton corps venant s’assoir au bord du matelas encore chaud de l’endroit où tu avais fermé les yeux pour tâcher de dormir un minimum. « Attends... Je n’avais pas prévu de dormir ici, je fais comment maintenant ? » Ton visage se tournant vers l’étudiant aux yeux bruns cherchant une solution, tu souris Kenma, tu souris en lui désignant du bout de ton index la fenêtre encore ouverte. « De la même façon dont tu es entré, vu l’heure je pense que je devrais faire la même chose avant que l’on ne me trouve encore... Et merde ! » Un coup d’œil à ton portable, quatre appels manqués, tu serres les dents, la colère te faisant renvoyer quelques insultes et menaces qui ne sont que des mots destinés à ta propre personne. D’un pas plus rapide tu enfiles l’uniforme sur ton bureau, d’un coup de main sec tu verses tes affaires dans ton sac en sachant très bien qu’il te manquera sans doute la moitié de tes cours. Attrapant ta veste de moto que tu enfiles avant de prendre ton casque sous ton biceps. « Désolé, je dois faire vite, je te laisse gérer, laisses la fenêtre ouverte et magnes-toi, tu dois être en retard aussi. » Un rire en sa direction avant que ton index et ton pouce ne viennent saisir le menton de l’amant de cette nuit que tu ne reverras sans doute pas, comme tous les autres, simple distraction d’une nuit qui aurait pu être ennuyante. Déposant un baiser sur ses lèvres légèrement chaudes tu lui affiches un sourire charmeur. « Bonne journée. » Tes pas foulant le sol de ta chambre avant que tu ne passes par la fenêtre, la laissant claquer contre le mur.
Chevauchant ton bolide, tu fais ronronner le moteur alors que tes doigts tapent sur l’écran de ton téléphone pour répondre à ton harceleuse du matin : J’arrive, désolé petit contre temps mais j’ai une surprise, j’espère que tu aimes la vitesse. À tout de suite poupée. Beauf à l’état pure auprès de ta meilleure amie, tu glisses ton portable dans ta poche avant de démarrer enfin. Vingt minutes, c’est ce qu’ils vous restent pour être à l’heure, faisable mais tu sais très bien que ta conduite ne sera pas la même une fois qu’elle sera dans ton dos alors autant en profiter pour gagner le plus de temps possible. Main jouant brusquement sur les poignées de moto, alternant entre accélérateur et frein, pneu grinçant dans les virages que tu prends trop vite. Heureusement pour toi, vous n’habitez que à quelques rues, si bien qu’au bout de cinq petites minutes tu aperçois déjà au loin cette frimousse brune que tu affectionnes tout particulièrement. Accélération calculée pour jouer les caïds sous ses yeux, tu n’oses imaginer à quel point elle peut te détester en ce moment actuel. Tu freines de façon à t’arrêter juste devant elle, mains de chaque côté de ton casque, tu le retires, cheveux encore humides, tu poses ton coude sur le réservoir, ta joue contre ton poing. « Votre taxi est arrivé mademoiselle. » Sourire étirant tes lèvres, sourire attendant de se faire engueuler comme il se doit.
L'écran de ton téléphone s'allume et ton réveil se manifeste, décrochant un faible gémissement de ta part. T'as les paupières lourdes, le corps engourdi et l'esprit peu serein, résultat d'une nuit acharnée à tourner en rond et à chercher les bras de Morphée. Ta main atteint l'écran et, d'un geste lent, comme si ton bras était trop lourd, tu demandes le silence. Un instant, Hime, juste un instant avant de te lever et de te diriger vers la salle de bain. Et ça fait du bien, Hime, de sentir ainsi l'eau couler sur ta pâle et douce peau. Tu pourrais rester là des heures durant, à trop penser, ou au contraire à te vider l'esprit. Tu aimerais bien songer au néant complet, t'évader comme Ilona dans son monde parfait. Mais tu ne peux pas. Tu es bien là, prisonnière d'une dure réalité qui pèse sur tes épaules. Oui, tu songes, Hime, mais pas au néant. Tu songes plutôt aux jours à venir, au projet qui se met en place entre ton père et monsieur Nakajima. Tu n'aimes pas ça. Quelque chose te dérange dans cette histoire et tu ne sais pas mettre de mot dessus.
Lavée et vêtue de ton uniforme, dont tu te passerais bien, tu vaporises ce léger parfum à la fois fleuri et vanillé qui te caractérise tant. Signature, odeur inoubliable sur ta peau et tes vêtements. Et une fois de plus, tu attends, Hime, appuyée contre le mur qui sépare une partie de ton jardin du trottoir. Il fait beau. Le soleil s'est déjà bien installé dans le ciel et la température est des plus agréables. Tu observe l'astre, pianotes une fois de plus sur ton téléphone pour provoquer une réaction de ton chauffeur. Chauffeur que tu entends venir à des kilomètres.
Enfin, il s'arrête devant toi. Coupable qui s'assume, il t'invite à lui cracher à la figure pour son retard. Tu l'aurais sûrement fait, Hime, en temps normal. Mais rien ne semble normal aujourd'hui. Et la journée n'a même pas encore débuté. 《 J'ose espérer que le tour est gratuit. Le service n'est pas top aujourd'hui. 》Léger sourire, cherchant à faire taire tes pensées négatives. Quelques pas en avant, le bras tendu pour t'emparer du casque que ton meilleur ami te tend une fois de plus. Comme à chaque fois qu'il fait beau. Comme à chaque fois qu'il décide de te ramener. Comme à chaque fois que vous avez un trajet assez conséquent à parcourir et qu'il faut aller vite. Tu enjambes la moto, passe délicatement tes bras autour de la taille de ton chauffeur, frôlant son corps de tes mains.《 C'est bon ! 》
Et vous voilà partis. L'adrénaline parcourt ton corps et le vent est étrangement agréable aujourd'hui. Tu te sens déjà un peu mieux, Hime. Libre et en bonne compagnie. Mais quelque chose cloche. La route. Les tournants. Les paysages. 《 Kenma, ce n'est pas le chemin du lycée ça. 》Bon sang, qu'est-ce qu'il te fait encore ?!
We're not broken, we're just bent and we can learn to love again
Kenma Yamamoto & Hime Watanabe
« Votre taxi est arrivé mademoiselle. » Sourire étirant tes lèvres, sourire attendant de se faire engueuler comme il se doit. Tu n’es pas à l'heure et tu ne l’as jamais été Kenma, même pour les beaux yeux d’Hime. Cette rose à épine que tu as cueillis de tes mains sans craindre les coupures causées par les épines pour la garder près de toi. T’es du genre à te lasser rapidement, trop rapidement mais avec elle les choses sont différentes. Quelque chose cloche, il y a quelque chose de différent lorsque tu remarques que la demoiselle ne dit rien au sujet de ton retard alors que tu t’attendais à devoir sortir les rames. Un court silence s’installe entre vos deux âmes alors que de tes doigts tu fais glisser le cuir de tes bras, retirant ta veste. « Je t’ai connu plus méchante. » Un sourire qui se dessine sur tes lèvres tandis que de ton pouce tu viens caresser sa joue avant de passer ta veste par-dessus tes épaules. « Je n’ai pas prévu de deuxième équipement alors prends ma veste. Oh, puis ça aussi. » Lui tendant le casque qui se trouvait entre tes cuisses, tu attends que la belle soit prête à te rejoindre sur ta bécane. « Prête ? » Main venant enfleurer les siennes alors qu’elle les passe autour de ta taille. Un mot, un geste, un regard pour la nymphe dans ton dos, sur le siège de cuir. Tu te détournes, protecteur sans l’avouer, ne supportant pas le moindre changement. Tu n’es pas idiot Kenma, tu sais qu’il y a un problème quelque part mais la peur d’être maladroit, tu ne dis rien. Te contentant uniquement de réfléchir à ce qui peux tracasser la belle.
Elle et toi, vous êtes les deux faces d’une même pièce, s’appartenant mais ne se voient pas comme telles. Chacun à des secrets que vous retenez, dissimulez à l’autre et vous en avez conscience. Vous acceptez les choses telles qu’elles sont, vous aimant avec les ombres et les non-dits. Pourtant cette fois, Kenma, ta curiosité est piquée à vif. Le paysage défile sous tes yeux mais au dernier feu tu fais demi-tour, la roue épousant le bitume dans un couinement provenant des pneus. Tu as une idée derrière la tête et sans même demander l’avis de ta meilleure amie, ta vitesse augmente, changeant complétement de trajet, ce qu’elle remarque. « Fais-moi confiance ! » Hurles-tu sans quitter la route de ton regard amusé par la vitesse. Faisant ronronner le moteur un peu plus tu souris comme un enfant.
Quelques minutes, une dizaine, une vingtaine... Tu n’en as pas la moindre idée, sur ta moto tu perds la notion du temps, t’abandonnant aux frissons que te procure le vent contre la peau de tes bras dénudés. Le point d’arrivé tant attendu apparaît enfin au loin, un horizon bleuté s’offrant sous vos yeux. L’un de tes endroits préférés, rapidement tu coupes le contact une fois le véhicule immobilisé. Sautant presque de ton siège tu effectues une légère courbette devant ton amie en prenant sa main. « Nous voici arrivés à destination, je me suis dit que ce serait sans doute bien mieux que d’aller en cours... Maintenant... » Tu te redresses en t’approchant d’elle pour lui retirer le casque. « Dis-moi ce qui te tracasse. »
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