Le retour au bercail. Après tant d'années loin de ta famille, de ta mère, te voilà rentré à la maison. Tu es devant cette porte que tu trouvais que trop grande à ton goût lorsque tu étais gamin. La voilà bien petite à présent. Tu viens rapidement toquer, mais personne ne répond. Ta mère est forcément absente. Il est vrai Yuma, tu aurais mieux fait de la prévenir de ton arrivée. Mais tu as préféré lui faire la surprise.
Tu sais très bien où elle doit se trouver à cette heure-ci. Son boulot lui prend la totalité de son temps. Il est parfois possible qu'elle dorme directement là-bas lorsqu'elle est trop épuisée. Tu le sais, elle n'a jamais cessé de travailler dur pour subvenir à ses propres besoins. Quand bien même tu lui as envoyé de l'argent gagné durement par ton travail de livreur et de cuisinier dans un petit restaurant. Elle n'a jamais accepté cet argent, qu'elle te renvoyait toujours.
Grande respiration. Tu sais où elle se trouve, mais tu ne veux pas la retrouver là-bas. Tu n'aimes vraiment pas la savoir à cet endroit, bien que ce soit également ton deuxième foyer. Tu as grandi et tu es devenu un homme. Tu veux sortir ta mère de ce merdier dans lequel elle s'est fourrée étant plus jeune. Tu ne sais même pas comment tu pourrais réagir en la voyant sortir d'une chambre avec un client. Oh, on le sait tous. Tu exploserais littéralement.
Finalement, tu n'as pas le choix que de t'y rendre si tu comptes la voir. Vêtu d'un haut à manche longue col roulé, d'un pantalon cargo, d'une très longue veste à capuche, de sneakers et d'une casquette, tu te rends directement à Kabukichō, dans la zone malfamée, où se trouve le bordel. Quelques minutes de marche et te voilà arrivé. Tu entres dans ce foutoir où tu te retrouves nez à nez avec une femme que tu ne connais que trop bien. Elle te regarde un air interrogateur. Oui, elle se demande bien ce que tu fous ici, toi qui ne ressembles pas à la clientèle habituelle.
Tes doigts viennent pincer ton masque noir que tu abaisses pour présenter ton visage. Léger sourire gêné lorsque la vieille dame te reconnait. Elle qui t'a vu deux jours après ta naissance. Elle a suivi ton parcourt jusqu'à ce que tu décides de partir vivre chez ta grand-mère. La plus ancienne de toutes. Elle s'approche de toi pour t'enlacer. Chose que tu détestes, mais tu te laisses faire. Corps légèrement statique, crispé. Tu n'apprécies pas le contact des autres. Mais tu comprends, donc ne rechigne pas. Vous discutez jusqu'à en venir très rapidement au fait. Ta mère est sortie faire des courses à la supérette du coin pour le repas pendant sa pause. Elles font souvent ça à ce que tu comprends. Elles dînent ensemble après le boulot et se racontent leurs péripéties. De vrais commères.
Et alors qu'elle te suggère de t'asseoir sur le sofa de la salle commune en attendant qu'elle revienne te ramener un verre d'eau, tu prends ton téléphone en main pour jouer à un jeu. En sentant la présence d'une autre personne dans la pièce, tu lèves ton regard, pensant que c'est la vieille dame. Mais c'est une déesse qui apparait, ne faisant que passer son chemin. Ton regard ne la quitte pas, il la suit même. Est-elle nouvelle ?
Longue journée. Une nuit agitée qui s'est terminée par l'entrée fracassante de tes frères dans ta chambre afin de te traîner en virée dans les rues de la ville. Une simple sortie en famille qui t'a permis de retrouver ceux avec qui tu as grandi. Il faut dire que vos agendas ne vous permettent pas de passer énormément de temps ensemble en ce moment, alors tu dois bien avouer que malgré ta tête de déterrée, tu étais ravie d'être tirée hors du lit. Vous vous êtes fait un peu plaisir, ajoutant une ou deux tenues dans votre garde-robe, dégustant un bon petit café, enchaînant les ricochets dans l'eau après une petite balade dans un semblant de nature. Oui, c'était une longue journée et pourtant, ton cœur n'a fait que battre, réclamer rire et tendresse, t'aidant ainsi à mieux supporter ton corps fatigué. Tu les aimes tes frères. Tu les aimes plus que tout au monde. Alors pour eux, pour être à leurs côtés, tu es capable de sacrifier bien des heures de sommeil que tu aurais pourtant bien mérité.
Ce soir devrait être différent. Tu as l'esprit apaisé, le cœur comblé, un semblant d'énergie qui te permet de tenir debout et de mettre la main à la pâte une fois de retour à la maison. Juste un peu de ménage et quelques aménagements dans la salle commune que vous souhaitez faire depuis un moment. Des petits déplacements que vous faites avant l'arrivée des clients habituels du soir. Quelques nouvelles décorations aux murs ou sur les meubles. Un changement de tapis pour amener un peu de fraîcheur et de nouveauté, l'ancien commençant à dater. Tes frères sont retournés à leurs activités une fois la travail terminé. Toi, tu décides de rester encore un peu malgré l'heure qui a tourné, pour finaliser quelques détails. Nul doute que cette nuit, tu vas la passer d'une traite, fuir au pays des songes.
Ton pinceau glisse sur le bois, colorant le cadre d'une magnifique couleur noire. Il avait tant besoin de nouveauté. L'œuvre se fond bien mieux ainsi et tu dois bien avouer que tu es plutôt fière de cette petite bêtise. 《 T'en penses quoi Chiyoko ? 》 Toujours demander l'avis de la doyenne. Pour une femme de son âge, elle a conservé une jeunesse bien à elle. C'est elle qui veille à votre bien être, voix de la sagesse. 《 Hé, ça fait tellement plus moderne ! T'es une as. 》 Enthousiaste, sincère. Elle observe de plus près la peinture parfaitement répartie, sans traces, avant de prendre un verre et d'y mettre de l'eau. 《 Ce n'est rien ça. Tu pourras me complimenter quand j'aurais fais une fresque ! 》 Vous riez toutes les deux et tu jettes un coup d'œil à ton portable. Un message. Ton frère va arriver avec les petits desserts qu'il a soigneusement préparé durant la soirée. Parfait !
D'un pas rapide, tu te rends devant la porte d'entrée de la salle, sans même prêter attention au jeune garçon assis dans le canapé. Tu ne l'as même pas entendu rentrer, bien trop occupée avec ton pinceau. Ton frère te tend le plat que tu saisis avec un grand sourire. 《 T'es le meilleur ! 》 Il hausse pas épaules, son regard trahissant un grand manque de modestie. 《 C'est bien connu ! 》 Yeux aux ciel. Il repart aussitôt et tu fermes la porte derrière lui. 《 Chiyoko, les- 》 Réalisation. Ton regard tombe enfin sur le jeune homme à qui la doyenne tend le verre d'eau. 《 Ô, navrée je ne vous avais pas vu. 》 Tu te penches légèrement en avant, car ce n'est pas parce que tu as été élevée dans un bordel que tu ne connais pas les règles de politesses. Bien au contraire. Cependant, ton expression trahi ta surprise et tes questionnements. Il ne fait pas parti des clients habituels et il semble... Jeune ? Bien que très mignon ! Chiyoko doit comprendre que tu es un peu perdue vu qu'elle s'avance vers toi et te prend le désert hors des mains avec délicatesse. 《 Il est là rien que pour toi. C'est ton client du soir ! 》 Vicieuse. Elle plaisante, tu le vois à son air rieur. Mais tu lâches tout de même un "hein ?!" avant qu'elle ne s'éloigne pour aller mettre le dessert au frais. Te voilà encore plus perdue. Aux dernières nouvelles, tu n'es pas encore une prostituée. Tu poses de nouveau ton regard vers l'invité, attendant clairement des explications sur sa présence ici.
Cette fille que tu scrutes depuis quelques secondes maintenant. Cette fille qui se lève et marche en direction d'un homme. Un homme qui te rappelle vaguement quelqu'un. Putain.. C'est le frère de la tigresse.
Ils discutent, mais tu n'entends pas d'où tu es, ce qu'ils peuvent bien se dire et puis de toute évidence, tu ne cherches pas à en savoir d'avantage. C'est très mal élevé d'écouter aux portes. Le frère de la tigresse repart après avoir donné quelque chose à la demoiselle. Au même moment, Chiyoko refait son apparition, te posant le verre d'eau sur la petite table. Tu te lèves du sofa pour te mettre en face d'elle avant que la demoiselle ne te salue. Ton regard se pose définitivement sur elle. Tu la scrutes de ton regard intense. Et ce sont les prunelles de ses yeux qui te font louper un battement.
Ta poitrine se resserre Yuma. Tu n'étais pas près à la revoir aussi vite. Pas ici, pas comme ça, pas maintenant. Tu n'es pas près à lui faire tes excuses. À ramper jusqu'à ses pieds pour qu'elle te pardonne. Merde. Elle a toujours été aussi belle ? Les secondes deviennent des minutes pour toi. Tu ressasses le passé. Tout te revient, tous les moments, les cris, les pleurs, la tendresse, l'amour et la haine. Mais la voix de Chiyoko te ramène à la dure réalité.
Tes yeux s'écarquillent sous la surprise de ses paroles. Comment ose t-elle te faire ça ? Elle ne sait pourtant pas que si Sara apprend qui tu es, c'est une troisième guerre mondiale qu'elle déclenche ? Tu cherches un moyen de t'échapper, mais il n'y en a aucun. Et c'est alors que les paroles de la vieille femme te reviennent en tête. Attend. Comment ça, client du soir ? Tu poses ton regard intense sur elle. Un air sombre. Plutôt oppressant. « J'espère que c'est une mauvaise blague. Depuis quand t'en es devenue une ? » Il n'y a rien qui soit fait dans les règles ici. Tu ne lui donnes aucune information sur ton identité. Elle ne te reconnait pas et tu t'adresses à elle comme si vous étiez de très bonnes connaissances. Ce qui est le cas, mais pour elle, tu dois juste passer pour un fou à ses yeux.
La porte d'entrée s'ouvre, mais tu ne détournes pas ton regard de la tigresse. Impatient de connaître sa réponse. Tu es déjà tendu à l'idée qu'elle soit positive. « J'ai ramené plein de bonnes choses ! Oh, tiens ? Où est Chiyoko ? » Cette voix que tu ne connais que trop bien. Léger soupire qui s'échappe d'entre tes lèvres alors que tu te retournes légèrement vers cette femme qui, en un instant, se retrouve dans tes bras. Tu avais enfin retrouvé ta mère après plusieurs années d'absence. Et malgré ton accoutrement, elle a tout de même réussi à te reconnaître. Mais après tout, tu es son fils. Elle se réjouit de ta venue et te serre fort contre elle, alors que tes bras glissent dans son dos avant qu'elle ne te relâche. « Oh, excuse-moi Sara-chan, vous étiez peut-être en train de ressasser vos bons souvenirs du passé ? » Ton regard se porte sur la jeune tigresse qui se trouve à côté de vous.
Elle ne te reconnait toujours pas. En même temps, il faut dire que tu as bien changé. De plus, tu portes une casquette et un masque, bien qu'il soit au niveau de ton menton, ce qui ne facilite pas la tâche pour apercevoir correctement ton visage. Mais au final, peut-être que grâce à ta mère, tu vas mourir plus vite que prévu.
Un instant figé dans le temps, les minutes se transformant en heures face à cette improbable situation. Quelqu'un venu juste pour toi ? Tu sais qu'elle plaisante car Chiyoko, tu la connais et tu as appris à déchiffrer ses expressions. Il y a quelque chose dans ses paroles... Comme une vérité cachée derrière cette mauvaise blague. Tu ne comprends pas. Tu ne réalises pas encore qui est face à toi, les véritables motifs de sa présence. Honte. Tu te contentes de regarder le jeune homme, le regard insistant. Sauf qu'il te le rend bien. Sara... Tu peux lire ce mélange de panique et de sévérité dans son regard. Intense. Pénétrant. Comme s'il cherchait à lire en toi, là, dans un endroit qu'il connaît déjà. Ça te fait presque peur, Sara. Tu sens ton cœur battre dans ta poitrine mais tu n'en montres rien. Tu te contentes de le regarder, sourcils froncés. 《 Pardon ?! 》 Sévère. C'est quoi son problème ? Il est un peu trop familier avec toi, ma chère. Tension palpable. Vous attendez chacun une réponse mais tu n'es pas prête de briser le silence. Qu'est-ce que tu lui dois, à ce type ? Rien. N'est-ce pas... ?
La porte s'ouvre et tu te retournes pour lui faire face. À elle. La mère de ton ami d'enfance. Non... De ton demi-frère. Une nouvelle qui vous avait frappé de plein fouet à l'époque. C'était peu de temps avant son départ. Nostalgie. Tu indiques la cuisine du doigt mais... constates qu'elle a déjà oublié sa question. Les courses abandonnées sur le sol, elle se précipite sur le jeune homme qu'elle prend dans ses bras, sous ton regard surpris. Sara, tu commences à réaliser, tes yeux observant cet individu de bas en haut. Il ne peut y avoir qu'une seule personne capable de mettre cette femme dans un tel état. Et... elle te le confirme assez rapidement. Des souvenirs du passé ? Ils te reviennent. Tu es figée, tes yeux ne le quittent pas, ton cœur te fait presque mal. La nouvelle te tord les tripes. Tu as compris. C'est clair désormais. 《 Yuma... 》 Ça te prend. Un mélange de tristesse et de rancune. Il est là, devant toi, revenu de tu-ne-sais-où. C'est douloureux.
Ton poing se serre, encore et encore alors que les fixes. Un instant. Tes ongles viennent s'enfoncer dans tes paumes, culpabilité se mêlant à la colère. Tu ne peux pas.... 《 Je suis désolée. Excusez-moi. 》 Murmur à peine audible. Tes pieds se détachent du sol et, la tête basse, tu quittes rapidement les lieux sans lui accorder le moindre regard. Pourquoi, Sara ? Pourquoi l'univers est-il si cruel ? Toi qui n'a jamais accepté son départ, toi qui ne t'es jamais faite à l'idée qu'il ne reviendrait peut-être jamais, qui avais refusé de croire une telle chose. Il est là et tu n'as même pas été capable de le reconnaître. Tu prends tout l'air du couloir, sens ton corps trembler.
Il t'a rejoint, tu le sens. Tu l'entends. Quel bien pathétique spectacle tu lui offres là... Tu te tournes doucement vers lui, le regardes dans les yeux. Il a changé. Ce n'est plus ce petit garçon chétif que tu as connu, celui pour qui tu te battais chaque jours. Il est désormais plus grand que toi, semble un peu plus fort. 《 Je... 》 Ça ne sort pas. Tu es perdue, partagée entre une folle envie de le serrer dans tes bras et de le frapper. Dilemme. Contradiction. Il t'a suivi et c'est tout ce que que trouves à dire ? Pathétique. Tu ne peux rester là, muette de la sorte. Reprends toi ! Alors ton corps se meut jusqu'au sien et ta main vient agripper son poignet. Tu ne lui laisses pas le choix, l'entraînes dans les escaliers jusqu'à la chambre libre la plus proche. Tu le fais rentrer, verouilles la porte derrière vous avant de le plaquer contre le mur, agrippant ses vêtements sans la moindre douceur. 《 Qu'est-ce que tu fais ici ?! 》 Tu craques. T'as les yeux humides et tu le regardes, ton expression exprimant clairement la guerre qui se déroule en toi en cet instant même. Être en colère ou heureuse ? Le tuer ou le chérir ? Le frapper ou le prendre dans tes bras ? 《 Tu disparaîs du jour au lendemain sans rien dire. Sans laisser de traces. Et tu te permets de revenir comme ça, après si longtemps, et de limite me réprimander ?! Tu te fous de la gueule de qui ? Tu nous a abandonné ! 》 Tu hurles presque alors que tes émotions te submergent. Car c'est ainsi que tu l'as vécu : un abandon. Et autant dire que tu n'en as pas fait une fête ! 《 Tu n'as pas le droit. Tu n'avais pas le droit. Qu'est-ce que tu fais ici, Yuma ? On ne sait même pas pourquoi t'es parti... Où tu étais ... Rien ! 》
Elle est là, devant toi. Et tu ne sais même pas comment l'aborder. Bien que tu l'as déjà fait une première fois pour la réprimander, mais là tout de suite, c'est autre chose. Elle vient d'apprendre, de comprendre qui elle avait en face d'elle. Nez à nez avec cette douce tigresse. La fille que tu portes dans ton cœur depuis des années. Vivre une éternité avec elle, avec vos enfants. C'est ce dont tu rêvais Yuma. Voilà ta demi-sœur.
Ton regard posé sur elle te transperce de l'intérieur. Tes entrailles se déchirent à la vue de ce visage qu'elle t'offre en ce moment. Tu ne sais quoi faire. Est-ce qu'il faut la résonner ? La prendre dans tes bras ? La saluer comme il se doit ? Ou tout simplement se taire ? Au final, tu optes pour la dernière option. De toute façon, c'est tout ce que tu pouvais faire à cet instant. Et elle vient t'achever en prononçant ton nom d'une voix presque fébrile, mais tout aussi douce. Elle cherche ta mort. Elle est douée. Elle ne t'a même pas encore touché qu'elle te tue déjà à petit feu.
Alors que ça voix délicate résonne dans ta tête, tu baisses le regard afin d'éviter le sien. Et alors qu'elle décide finalement de s'enfuir dans le couloir, tu sens une claque te frapper de plein fouet derrière la tête, faisant littéralement tomber ta casquette au sol. Tu tournes la tête vers ta mère. « Idiot ! Dépêche toi et rattrape là ! » Un léger sourire se dessine sur ton visage alors que tu viens déposer un doux baiser sur son front. « Tu n'avais pas besoin de me le dire. Je comptais le faire. » Elle te sourit à son tour et te regarde partir à la poursuite de la tigresse.
Tu la suis dans l'immense couloir, d'un pas plutôt vif alors que tu ne fais qu'hurler son nom avant de la rattraper. « Sara, attend.. Laisse moi t'expliquer ! » Ta main glisse jusqu'à son poignet. Tu comptais l'arrêter de cette façon, mais avant même que tu ne la touches, elle se retourne et se positionne face à toi. Tu manques de peu de lui rentrer dedans, deux pas en arrière pour mettre de la distance entre vous. Ton regard ne quitte pas son visage. Tu en profites pour la scruter quelque peu. Elle est vraiment belle. Si ravissante. Même quand elle est en colère. Ça aurait pu t'esquisser un petit sourire dans une autre situation, mais là, ce n'est pas le moment. « Ecoute-moi, je.. » Elle ne te laisse même pas le temps de continuer ta phrase qu'elle t'attrape le poignet et te force à la suivre. Vous montez les marches des escaliers jusqu'à ce qu'elle ouvre la porte d'une chambre et te fait rentrer dedans avant de la refermer derrière elle. Bon. Adieu Yuma.
La tigresse vient littéralement te plaquer contre le mur, agrippant tes vêtements sans la moindre retenue. Tu déglutis, tu sais que tu vas passer un sale quart d'heure. Alors que tu pensais mourir Yuma, la prunelle de tes yeux vient littéralement de fendre le cœur. Cette pauvre enfant que tu as meurtri te fait maintenant ressentir toute la souffrance qu'elle a pu éprouvé à ton départ de son regard humide, de ses paroles. Tu la laisses s'exprimer comme bon lui semble, tu lui dois bien ça. Mais alors qu'elle t'offre ce visage décomposée et à la fois déchaînée, tu ne peux plus te retenir. Tes bras viennent l'enlacer et la forcer à se coller contre toi. Il n'y a plus aucune proximité entre vos deux corps. L'une de tes mains au creux de son dos, resserre sa taille pour qu'elle ne puisse pas s'enfuir. Alors que ton autre main vient glisser dans sa nuque la forçant à ne plus montrer son visage. « Je sais Sara, je sais.. Je suis la pire des ordures. Je vous ai tous abandonné et je m'en veux. Je ne mérite pas d'être pardonner. » Tu viens poser délicatement ton menton sur la tête de la demoiselle et la resserre un peu plus contre toi. « J'ai paniqué.. J'ai mal réagi à cette époque. Je n'aurais pas dû. Je n'étais qu'un gamin, je ne savais pas ce que je faisais. Je ne réfléchissais pas aux conséquences.. Et puis merde, je me trouve des excuses. » Ta mâchoire se resserre. Tu n'arrives pas à prononcer les mots que tu désires lui dire. Parce qu'il faut savoir que tu n'as pas prévu tout ça, donc tu n'as rien répété à l'avance. « Je pourrais te laisser continuer à me crier dessus. Mais je préfère crever maintenant de ta main plutôt que de revoir cette expression sur ton visage. » Egoïste. Léger soupire qui s'échappe d'entre tes lèvres. Yuma, depuis quand es-tu devenu aussi tactile.
Choc. Rancune. Tristesse. Colère. Joie. C'est un véritable tourbillon d'émotions qui se déchaîne dans ton esprit, dans ton cœur, dans tout ton être. Lui que tu pensais perdu à jamais, lui que tu étais prête à considérer comme mort, tant la simple idée qu'il vous ait abandonnés de cette façon te faisait souffrir. Qu'il t'ait abandonnée. Il ne t'a parlé de rien. Ne t'a pas laissé le moindre indice. Pas un mot. Rien. Il était là un jour, comme tous les autres. Il t'a dit au revoir de la même manière. Puis le lendemain, il n'était plus là. Oui, Sara ; penser qu'il était mort aurait été plus facile à supporter alors que tu n'aurais jamais pu faire ton deuil. Alors que jamais tu n'aurais pu le serrer dans tes bras. Alors qu'il y a un tas de trucs qu'il n'aurait plus pu partager avec toi. Tant de chose dont son absence vous a privé. Lui pour qui tu aurais foncé sur le champ de bataille, prête à prendre milles et un coups dans l'unique but de le protéger. Lui, si petit, si fragile. Le revoilà, Sara. Sorti de nul part, plus grand que toi, mieux portant. Tu ne peux contenir toutes tes émotions, toutes tes pensées. Tu as besoin de t'exprimer, de comprendre ce qui lui est passé par la tête. Il te laisse faire, te laisse réclamer, te laisse évacuer. C'est dur, Sara. Beaucoup trop dur.
Tu es tellement plongée dans tes pensées, tes sentiments, que seuls ses bras parviennent à te sortir de ta transe. Tes yeux s'écarquillent alors que ton corps se colle au sien, que ses bras te retiennent, que sa douce voix atteint ses oreilles. Yeux écarquillés, tu tentes vainement de t'échapper. Ou plutôt, tu n'y mets aucune vraie volonté. Sa chaleur, son parfum, ce geste rassurant... Ton corps les réclames et se lie avec ton cœur pour contrer ton esprit qui voudrait que tu te libères, hurles. Tu en es incapable. Tu ne peux que l'écouter alors que ton cœur se serre, que tes yeux deviennent de plus en plus douloureux. Mal réagit ? Mais de quoi parle-t-il ? À l'époque ? 《 De quoi est-ce que-》 Voix faible. Et là tu comprends. Ou plutôt, tu te souviens : le jour où il est parti, c'était peu de temps après ce fameux jour. Peu de temps après avoir appris votre lien de parenté. Est-ce ça qui l'a fait fuir ? Mais... Pourquoi ? Tu serres les dents. Tu n'est pas aussi aimable que d'autres, Sara, et ses mots réveillent en toi un élan de colère. Le tuer ? Tu en aurais presque envie mais il l'air d'oublier un détail. Tu forces sur tes bras, les mains encore appuyées sur son torse, afin d'éloigner ton visage et de lui faire face. 《 Yuma, regarde-moi ! 》 Tu veux qu'il te regarde. Tes lèvres, tes yeux, tout ce qui peut exprimer la douleur que tu ressens. Cette expression qu'il cherche à fuir, tu veux qu'il l'affronte, qu'il comprenne. 《 Je ne comprends rien, Yuma. Tu peux dire que je suis bête et c'est peut-être vrai mais...》 Mais pourquoi est-il parti exactement ? 《 Où est-ce que tu étais ? 》 Perles d'eau coulant le long de tes joues. Flots que tu ne peux plus contenir.
Tu l'observes pourtant plus attentivement, amenant tes doigts à son visage. Sur sa cicatrice, nouvelle, puis son grain de beauté, que tu ne connais que trop bien. 《 J'ai... J'ai l'impression que c'est toi sans l'être. Comme si tu es... limite... devenu un inconnu. Alors que... 》 Qu'il est ton ami d'enfance. Ton demi-frère. Tu le reconnais tout en le découvrant. La douleur s'emparant davantage de ton être, tu viens glisser tes bras autour de ses épaules. 《 Je t'en veux tellement ! 》 Mais tu le serres quand même contre toi, réclames toujours plus de proximité. Comme pour rattraper tout ce dont il t'a privé au cours de ces dernières années.
Tant bien que mal Yuma, tu essaies. Tu tentes de la garder contre toi. Non, tu ne veux pas voir son visage, ses yeux larmoyants, cet air aussi mignon que désolant. C'est si perturbant pour toi que tu préfères la serrer un peu plus dans tes bras. Elle tente de son côté, de s'échapper de ton emprise, en vain. Tu es plus fort à présent. Mais au fond, tu le sais, elle n'y met pas toute sa force. C'est à peine si elle arrive à relever la tête. Tu arrives même à sentir la fragilité de son corps entre tes membres.
Brièvement, tu fais allusion à cet instant, ce souvenir qui a été très dur à digérer pour toi, comme pour elle. Toi qui es amoureux de cette demoiselle, tu as souffert de cette annonce. Alors que de son côté, elle a souffert de ton absence. D'ailleurs, tu n'aurais peut-être pas dû le mentionner.. Tu peux sentir ses mains appuyer sur ton torse alors qu'elle arrive finalement à relever la tête vers toi. Instinctivement, tu la regardes lorsqu'elle te demande de le faire. Ordre exécuté en une fraction de seconde. Ce que tu ne voulais pas, elle te force à le faire. Tu la regardes quelques secondes avant de détourner ton regard, fuyant ce visage qui anime en toi une certaine culpabilité. « Je suis parti vivre chez ma grand-mère. Désolé.. » Oui, tu es simplement parti très loin d'eux en réalité..
Tu pensais continuer à t'expliquer, mais voilà que tu sens la douceur de ses doigts fins sur ton visage. Tendre caresse sur ton arcade alors que tu portes de nouveau ton attention sur elle. Tes yeux s'écarquillent à la vue de ses larmes coulant sur ses joues. Tes mains se détachant de son corps pour venir les glisser à son visage. Tes pouces viennent effleurer ses joues afin d'y effacer toute trace de tristesse. « Je ne suis pas inconnu. Regarde moi. Je suis toujours le même. » Oui, tu es toujours le même Yuma. Mais ton absence a dû changer quelque chose que ce soit en toi, ou bien en elle. La belle tigresse passe lentement ses mains dans ta nuque et à ton tour, tu reviens glisser les tiennes autour de sa taille, afin de la serrer de nouveau contre toi. Vous vous enlacez et on peut ressentir toute sorte d'émotions émanant de ce rapprochement plus qu'intime entre vous. Tu ne veux pas la lâcher. Tu veux rester éternellement comme ça, plaquer contre le mur, Sara enfui dans tes bras. Si seulement le temps pouvait s'arrêter ne serait-ce qu'un court instant..
« Je ne partirai plus. Plus jamais Sara. C'est promis. Je ne t'abandonnerai plus. Je sais que tu m'en veux. Je sais que tu aimerais me frapper. Fais le si ça te chante. Je prendrai mes responsabilités.. » Tu n'hésites pas à dire le fond de ta pensée. Si elle désire réellement te frapper, tu la laisseras faire autant de fois qu'elle le veut. Elle veut te pourrir la vie ? Qu'elle le fasse. Tu le mérites après tout Yuma. « Mais avant ça, j'aimerais que tu me dises tout ce que tu as fait pendant mon absence. » L'égoïsme revient au galop. Et oui, parce qu'il y a quand même du temps à rattraper les enfants. Et pourquoi oublier tout ça un petit instant afin de pouvoir discuter calmement comme des adultes ? Mouais.. On n'est pas sûr que Sara soit prête à se détendre là tout de suite.
Émotive. Expressive. Impulsive. Tu as beau essayer de lutter, tu n'arrives à rien. Comme toujours, tu cèdes à tes émotions, laissent tes larmes couler le long de tes joues. Il ne pouvait en être autrement car ton interlocuteur, c'est Yuma, un être particulièrement cher à ton cœur. Un être précieux dont la présence t'a été d'un immense réconfort durant tant d'années. Un être qui a déjà empêché le pire. Tu étais la plus courageuse, celle qui s'interposait entre lui et les autres. Mais lui s'interposait entre deux parts de toi, dans cette guerre que tu livrais contre toi-même, protégeant ton corps de ton esprit troublé. Tu en as fait des bêtises, Sara. Des tests. Des folies. Et jamais il ne t'a laissé tomber, nombreux et longs moment passés à patienter dans un hôpital. Parce que tu avais encore fais des tiennes. Parce que tu le devais. Puis il est parti... Chez sa grand-mère ?! Tu n'arrives même plus à hurler, perdue. Dois-tu l'accepter ? Elle mérite de voir son petit-fils, il mérite de voir sa famille. Mais est-ce suffisant pour tout expliquer, tout pardonner ? Tu n'y arrives pas. Pourtant, tu es là, à glisser tes fins doigts sur son visage, à le re-découvrir. Tu le regardes, Sara. Tu le regardes bien, comme il te dit de le faire. Perdue. Septique. Tu le reconnais dans ses gestes, par cette façon délicate d'essuyer tes larmes, de t'adresser la parole, comme si tu étais un objet précieux, d'une grande fragilité. Ironique. Il n'est pas le premier à te traiter de la sorte mais lui.... C'est différent. Il a toujours eut une place spéciale dans ton cœur que tu ne savais expliquer. Mais ça, tu ne t'en es rendue compte qu'après son départ, après l'avoir perdu. Tout t'est tombé dessus. Pourtant, encore aujourd'hui, tu ne saurais mettre de mots de ces sentiments qui ont fini par s'envoler au fur et à mesure que tu t'es faite à l'idée de ne plus le revoir. Ça t'a fait si mal. Tu as finis par te fermer à la tendresse qu'on pouvait t'offrir : à quoi bon t'offrir toutes les douces caresses, les délicats baisers et les plus beaux mots si c'est pour s'évaporer en pleine nature après ? Non, Sara. En réalité, tu te mens à toi-même en pensant de la sorte. La réalité, c'est que tu penses que tous finiront par disparaître. Les plus doux et attentifs à ta santé, comme les plus violents cherchant à satisfaire leur curiosité sur le monstre que tu es. Tous finiront par se lasser ou avoir peur. Tous finiront par aller voir ailleurs, là où eux seront toujours satisfaits. Tu t'es peut-être fermée à tous, au final. Malheureuse créature.
Pourtant, tu profites, Sara. Profites de cette chaleur que t'offre ton ami d'enfance. Ta colère se dissipe à peine. Peut-être même qu'elle revient au galop à ses paroles qui te serrent de nouveau le cœur. Comme s'il n'était pas encore assez malmené. Poing venant frapper son torse. Corps s'écartant du sien tout en restant fort proche. Tu frappes de nouveau son torse avec ton poing. Choc le faisant à peine chavirer. Peut-être même qu'il ne bronche même pas, ton esprit est trop embrumé pour en juger. Mouvements qui ne sont pas anodins. 《 Avant, tu aurais reculé, jusqu'à t'enfoncer dans le mur...》 pause. 《 Et tu aurais gémis parce que je t'aurais fait mal. 》 Lui dont le corps était si faible. Toi qui était une enfant ne faisant attention à sa force. Où est-ce que tu veux en venir, Sara ? C'est pourtant très simple. 《 Ce n'est pas à moi d'expliquer quoi que ce soit, Yuma ! 》 Instable. Ta voix se fait de nouveau plus élevée mais pas autant que tout à l'heure. Heureusement que les murs sont très bien isolés ici ! 《 Ce que j'ai fait pendant ton absence ? J'ai continué ma vie ici. Je me suis longtemps demandée si tu étais mort, si tu étais vivant, ce qu'on t'avait fait. Je n'ai pu compter que sur mes autres frères. 》 Bref rire amère. Tu viens de toucher un point sensible sans même t'en rendre compte. 《 Tu ne partiras plus ? Tu es toujours toi ? Si je veux te croire sur le fait que tu as finis de fuir je ne sais quoi, finis ta crise d'adolescence ou peu importe ce qui t'est passé par la tête... Laisse-moi douter du reste. 》 Tu fixes sa cicatrice l'espace d'un instant, avant de plonger tes yeux dans les siens. 《 Désolée, Yuma. Ça ne fonctionne pas comme ça... 》 Tes yeux piquent de nouveau. Tu n'as déjà plus de force. Corps se mouvant jusqu'au lit sur lequel tu t'assieds. 《 Qu'est-ce qui t'a autant fait paniquer, au point où tu nous abandonnes sans rien dire durant plusieurs années ? Pourquoi revenir maintenant ? Qu'est-ce qui a changé ? Qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? 》
Ca fait tant d'année que tu es parti. Tant d'année que tu as laissé la tigresse toute seule. Tant d'année à ne pas savoir où tu étais. Tu as disparu du jour au lendemain. Et voilà que tu reviens, comme une fleure, dans l'espoir que tout redevienne comme avant ? Tu te fourres le doigt dans l'œil. Nan. En réalité, tu le savais très bien. De toute façon, rien ne pourra être comme avant à présent. Tout est différent à tes yeux.
Tu comprends Yuma, qu'elle soit perdue. Qu'elle t'en veuille. Que ça a été très difficile pour elle. Mais ce qu'elle ne sait pas, c'est que ça a été tout aussi dur pour toi. Découvrir que la tendre fille dont on est tombé amoureux est finalement notre sœur. Que l'on ne pourra jamais s'aimer parce que c'est ainsi que la vie fonctionne. Partir loin de cette personne. Souffrir en silence sans jamais pouvoir en parler à qui que ce soit. L'aimer, continuer à l'aimer et encore l'aimer après tant d'années. Un véritable calvaire. Mais ça, tu ne pourras jamais l'avouer Yuma. Alors tu fermes ta gueule et tu continues à t'en prendre plein la tronche. Parce que c'est ainsi que ça doit ce passer si tu ne veux pas que votre famille s'écroule.
Un coup. Puis un deuxième. Voilà que Sara se met à te frapper le torse de son poing, comme tu lui as si gentiment suggéré de faire. Tu enlèves tes mains de son corps et la laisse s'écarter quelque peu de toi. C'est son droit si elle décide de mettre une distance entre vous, tu ne peux que te taire et subir. Mais elle a raison, à l'époque, tu aurais couiner comme un chiot à son premier coup. Tu as grandit. Ton corps est bien battis à présent.
Un pincement ce fait ressentir. Ton cœur se resserre. Elle n'a pu compter que sur ses autres frères. Ouais. Il est là le problème Sara. Toi, tu n'as pas envie d'être son frère. Tu veux faire partie de sa famille, mais pas de cette putain de manière. Tu veux être la personne qui la protégera toute sa vie comme un frère. La personne qui sera à l'écoute pour elle comme un meilleur ami le ferait. Tu veux la rendre heureuse comme le bon mari que tu aurais pu être putain. Tout n'est qu'illusion, n'est-ce pas Yuma ?
Ta tête se vide quelques instants, alors qu'elle vient s'asseoir sur le lit de la chambre. Elle vient de finir de te tuer de ses mots. En réalité, tu ne sais même pas quoi répondre à tout ça. Est-ce que.. Tu en as le droit ? Toi qui aimes ta propre sœur ? Toi qui la laissé seule pendant si longtemps ? Non. Tu es un monstre Yuma pour être né comme ça. Les gens comme toi, ne sont pas apprécier, tu le sais bien. C'est également pour cette raison que tu as fuis. Parce que tu n'es qu'une ordure qui est tombé amoureux de son propre sang. « Désolé. Je sais que j'suis une pourriture. J'aurai peut-être jamais dû revenir. » Ohh, commence pas comme ça, tu vas t'en prendre une. « Mais je n'arrivais plus à être loin de vous tous.. De toi. J'sais, j'suis un putain d'égoïste. » Tu t'enlèves du mur, te positionnant debout, face à elle. « Je ne peux pas te dire pourquoi j'ai autant paniqué ce jour là. Pourquoi j'ai fuis, pourquoi j'ai été aussi lâche. Pas maintenant. C'est trop tôt. Je dois d'abord.. » Affronter les sentiments que j'éprouve envers toi ma belle Sara ? C'est ça que tu veux lui dire, n'est-ce pas ? « C'est trop dur.. J'peux pas. » Tu ne veux pas lui mentir Yuma. Non, tu ne veux pas.. Mais n'est-ce pas pire de la laisser ainsi dans le flou ?
Avec lenteur, tu viens t'agenouiller à terre, entre ses jambes, posant ta tête contre sa cuisse. Douce caresse de ta joue sur sa peau délicate. Tu fermes les yeux quelques instants. Tu veux simplement rester ainsi, le temps de quelques secondes seulement. « Je ne t'abandonnerai plus.. Crois-moi sur ça. » Tu restes ainsi, avant de redresser ton visage vers la demoiselle. Merde. Pourquoi elle est si belle ? Tu scrutes son visage, alors que tes yeux glissent le long de son cou.. Sa clavicule.. Son épaule.. Ainsi de suite. Yeux écarquillés alors que tu te recules légèrement pour voir l'ensemble d'un autre point de vu. Ta mâchoire se resserre. Tu viens de passer d'une émotion à une autre, c'est pas bon signe. Tu la fixes, ne la quittant pas des yeux. Ce regard sombre.. Ouille. « Dis-moi que tu n'as pas recommencé. » Les nouvelles cicatrices sur son corps Yuma, c'est entièrement de ta faute. Tu n'étais pas là pour l'en empêcher comme tu le faisais avant. Est-ce que la culpabilité risque de t'anéantir ?
Un instant de silence. Un instant durant lequel tu essaies de te calmer, de retrouver la tête froide. Tu passes tes mains dans tes cheveux sans grande délicatesse, pour les faire disparaître de ton visage. Inspire. Expire. Une tentative bien inutile lorsque tu l'entends reprendre la parole, prononcer ces mots qui ne te donnent qu'une seule envie : lui en coller une. Une qu'il n'a jamais dû se recevoir. Une qu'il le frappera jusque dans son âme. Comment ose-t-il ? Tu ne sais pas ce qui t'énerve le plus dans ses mots... Le fait qu'il joue presque - même inconsciemment- les victimes, qu'il ose se qualifier d'ordure égoïste ou qu'il dise qu'il n'aurait jamais dû revenir ? Sans doute un savant mélange des trois. Sourcils froncés. 《 Pour entendre ça, je préfère encore mieux que tu la fermes finalement. 》 Une voix sèche. Une pointe de tristesse. Bien sûr qu'il devait te dire qu'il était vivant. Bien sûr que non, ce n'est pas juste une pourriture qui ne pense qu'à lui. Tu as passé des années en sa compagnie. Il t'a beaucoup donné, s'est iniquité pour toi. Peut-être n'avez vous jamais été riches financièrement. Mais vous avez toujours eu une autre forme de richesse... Et de vous tous, c'est lui qui a toujours eu le plus de cœur. Toi, comparée à lui, tu peux te qualifier d'égoïste ! Mais pas lui. Il n'a pas le droit.
De nouveaux mots qui provoquent un soupire. Tu es fatiguée. Tu sens que tu pourras dire tout ce que tu veux , il ne parlera pas. Tu as sans doute fait une conneries. Toi ou tes frères. Ou peut-être que tu n'as pas vu quelque chose que tu aurais dû voir. 《 Ok, Yuma, j'ai compris. 》 Une voix précipitée, trahissant clairement ton état d'esprit. Tu ne dis plus rien, le laisse prendre place. Est-ce que s'est permis ça ? Tu t'en moques. À vrai dire, tu n'as même plus envie de réfléchir. Tu ne bouges pas pour autant, ne viens pas passer ta main dans ses cheveux, encore en proie à des émotions bien trop contradictoires. 《 Si tu le dis... 》 C'est tout ce que tu parviens à prononcer avant de replonger dans le silence.
Chaleur envolée de ta cuisse. Tu le regardes te regarde, sourcils légèrement froncés. Tu te sens comme un bout de viande, l'espace d'un instant. Tu en as l'habitude, vu l'endroit où tu as grandi. Le regard de certains hommes... Des quelques clients réguliers qui ne semblent attendre qu'une chose ; que tu fasses partie de l'équipe. Heureusement, cette impression disparaît assez vite lorsque Yuma brise le silence, laissant place à une autre forme d'agacement. 《 Ce n'est pas comme si j'avais réellement arrêté... C'est juste que j'avais essayé trop de choses. 》 Tu hausses les épaules. 《 Et puis, tu sais bien que je n'ai jamais été une petite fille calme restant bien en sécurité dans le canapé. 》 Tu as toujours eu ce don pour te blesser, même légèrement. Enfant intrépide qui adorait partir à l'aventure. Tu lâches un bref rire, amer. 《 T'es revenu juste pour me faire la leçon ? Non parce que c'est la deuxième fois en même pas une demi-heure. 》 Que tu peux être pénible quand tu t'y mets, toi aussi. Soupire. 《 Écoute...J'arrête de te faire chier pour aujourd'hui si tu en fais autant. Je suis déjà fatiguée de me prendre la tête et la journée a été assez longue comme ça. 》 Tu te redresses, soupires une fois de plus. 《 Tu manges avec nous ce soir ? Mes frères seront là. 》
Tu es passé d'une émotion à une autre en une fraction de seconde. Il ne t'aura pas fallu longtemps avant de voir l'état de la peau de la tigresse. Tu savais qu'elle aurait ce genre de marque sur le corps en revenant la voir, mais pas autant. Pas aussi visible. Et tu n'oses même pas imaginer les autres endroits secrets où elle doit avoir ce genre de marques, de cicatrices. Ça te rend tout particulièrement triste et énervé. Ouais, c'est sûrement de ta faute. Nan, c'est de ta faute. Si tu étais resté auprès d'elle, elle n'en aurait pas eu autant. Peut-être moins, peut-être aucune. Tu l'aurais protégé envers et contre tous. Ouais, tu aurais dû rester, même si la déception amoureuse t'aurait en quelque sorte détruit de l'intérieur. C'est toujours mieux que d'être ami avec la culpabilité.
Tu la questionnes, mais comme toujours, elle te répond d'un ton froid, presque agacé. Tu ne dis rien, préférant la laisser parler encore une fois. Elle te pique de nouveau. Elle a sorti l'artillerie lourde depuis le début qu'elle vous a enfermé ici. Elle t'attaque et tu ne dis toujours rien. Parce qu'en réalité, tu te sens coupable et tu t'y attendais de toute façon. C'est même toi qui lui as demandé de ce défoulé. Tu ne dis rien, mais on peut le lire sur ton visage, ce trait d'agacement. Pour une certaine raison que tu ignores, elle commence à t'irriter là tout de suite. Sûrement ton impulsivité qui ressort. Il ne vaudrait mieux pas que tu commences à hausser la voix, elle serait surprise de voir que tu peux aussi être méchant dans tes paroles. Mais, ce n'est pas ton genre de toute façon. Et puis, elle criera toujours plus que toi, le combat est perdu d'avance.
Tu remets ta casquette correctement lorsque tu te retournes et t'avance vers la porte. « Ouais, j'arrête de te faire chier, comme tu dis. » On sent dans le ton de ta voix que tu es quelque peu fâché, mais aussi blessé. Tu ne t'attendais pas à des mots doux pour cette retrouvaille, mais quand même. Mais bon, tu l'as bien cherché. C'est pas comme-ci tu en avais tout autant souffert de cette séparation et que toi de ton côté, tu vas continuer à souffrir en sa présence. « Bien sûr que j'mange ici. » Super, en plus d'elle, il va falloir que tu te coltines ses frères. Tu t'entends bien avec eux. Non. Tu t'entendais bien avec eux. Surtout avec Yugo. Vous faisiez la paire tous les deux lorsque tu n'étais pas collé à Sara. Ouais.. Qu'est-ce que ça va donner de les revoir après tout ce temps ? Tu ne donnes pas chère de ta peau. Tu t'en es déjà pris plein la gueule. Est-ce que tu vas réussir à rester calme et détendu ? Pas sûr.
Tu verrouilles la porte et l'ouvre afin de tourner la tête vers Sara. C'est devenu plutôt, froid cette ambiance non ? « On devrait y aller d'ailleurs. » Tu attends sagement qu'elle passe devant toi, sans un mot avant de refermer la porte derrière vous. Ouais, on peut le sentir. L'ambiance a changé. Elle n'était déjà pas toute rose lorsque vos regards se sont croisés, mais là.. S'en est presque glacial quoi. Tu marches derrière elle et tu entends, de loin.. Les voix de ses frères. Un long soupire s'échappe d'entre tes lèvres. C'est la merde. Calme Yuma, calme. Ne t'énerve pas, tout va bien se passer.
Tu es en colère. En colère contre lui mais surtout contre toi-même. Parce que tu ne parviens pas à réfléchir. Parce que tu ne comprends pas. Parce que tout se mélange et t'empêche de simplement accepter ses paroles, ses désirs. Qu'est-ce qui ne va pas, Sara ? Tu l'aimais tellement, ce petit garçon qui restait caché derrière toi.... Ce petit garçon qui ne te quittait pas... Ce petit garçon qui faisait tout pour t'empêcher de te faire du mal... Ce petit garçon qui partageait simplement ta vie. Tu devrais simplement accepté qu'il a souffert pour une raison qui t'échappe, qu'il n'a pas voulu partir mais qu'il a dû partir. Tu devrais... Tu devrais lui dire que tu acceptes, profiter de lui plutôt que de le blesser davantage... Tu t'en rends compte... Mais tu n'y arrives pas, et c'est bien là ce qui t'énerve autant. Car tu aurais préféré qu'il te parle de son départ, à l'époque... Car tu n'es peut-être pas assez bien pour être mise dans la confidence... Car tu es restée bien trop longtemps en proie à des idées bien sombres sur ce qui a pu lui arriver. Tu ne peux t'empêcher de le piquer, de frapper son esprit et son cœur, alors que tu veux simplement le reprendre dans tes bras, t'allonger avec lui, savoir ce qu'il est devenu. Tu le blesses, titilles ses nerfs et tu l'entends à sa voix. Pourtant, tu l'ignores. Tu veux juste cesser cette conversation qui n'en est pas réellement une. C'est sans doute mieux ainsi : à tête reposée, le temps de digérer, peut-être parviendras-tu à être plus compréhensive, plus calme. Pour l'heure, il est temps d'aller manger. Tout le monde doit vous attendre ; tu te doutes bien qu'ils n'ont pas voulu vous déranger.
Tu passes la porte, comme il t'invite à le faire. Tu le guides dans cette endroit qu'il ne connaît pourtant que trop bien ; c'est votre chez-vous. Vous y avez grandi, malgré tout ce qu'on peut en dire.
À peine êtes-vous de retour dans le lieu de vie commune que vous êtes accueillis avec de grands sourires chaleureux... bien que les regards trahissent une certaine inquiétude ainsi que de la curiosité. Mais personne ne dit rien... Du moins, personne ne vous demande ce qu'il s'est passé. 《 Alors c'était sérieux ?! Il est vraiment là ! 》 s'exclame Jun avec les bras grands ouverts sans pour autant quitter sa place. 《 On te manquait à ce point ?! Seulement après tant d'années ?! 》 Tu hausses un sourcil à ses airs de dramas queen, bien qu'un léger sourire se dessine enfin sur tes lèvres. 《 Jun, ne commence pas... 》 Tōma pousse un soupire mais adresse très vite un sourire bienveillant à Yuma. 《 Ravi de te revoir aussi, Yuma. Tu as bien grandi ! 》 Tu le sais : Tōma est plus raisonnable. Il a toujours été un grand-frère modèle, le genre de personne qui semble tout porter sur ses épaules. S'il y en a bien un qui n'ira pas chercher la petite bête, c'est bien lui. Toi, tu prends place à table, auprès de Jun. Ton regard se pose sur ton demi-frère, discret, comme si ces moindre faits et gestes étaient une source de suspense. D'autres femmes sont déjà installées et la mère de Yuma invite son fils à venir près d'elle.
Au bout d'une petite minute, la porte s'ouvre de nouveau et c'est au tour de ton dernier frère de faire son entrée. 《 Pardon pour le retard ! 》 Il sourit doucement, observe tout ce beau monde. Un regard. Vers Yuma. Vers toi. Il va s'installer près de son vieil ami, lui adresse un demi sourire. 《 À en juger par vos têtes, ma sœur s'est déjà lâchée. 》 dit-il discrètement pour que seul le concerner l'entende. Mais tu devines qu'il parle de vous, Sara... 《 Alors, comment tu vas toi ?! 》 lance-t-il à voix haute afin de lancer la conversation pendant que vous vous servez...
(Jun parle en ff9933, Tōma en ffcc00 Et Yugo en cc3300)
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